Les
mangeurs de melons
ne se prennent pas la citrouilleTugdual-Gontran-Patrick
Bougnaud est breton. Il aime le vélo, la course à pied, et il assume vaillamment la
profession de régleur sur des presses à Schneider Electric, dans la Vienne. Mais ce
quinquagénaire dun mètre quatre-vingt-deux pour plus de quatre-vingt-dix kilos,
cache, sous une allure de sportif, un estomac habitué à la démesure des ripailles
rabelaisiennes.
A
Jouels, on le connaît bien ce drôle de vacancier qui vient concourir pour le titre de
plus gros mangeur de melon, prétendant terrasser les solides ruraux du cru. Son visage
imberbe, son bandana et son petit tablier de cuisinière proprette sur son tee-shirt blanc
contrastent singulièrement avec ces silhouettes rondes, béret vissé sur la tête et
moustache lustrée voire barbe fournie. Ce sont là deux mondes qui saffrontent.
Celui de la gloutonnerie scientifique, où, selon Tugdual Bougnaud, le mental et le
footing matinal tiennent une place prépondérante, contre lart de banqueter sur un
air daccordéon.
Tugdual lavait déjà emporté lannée dernière, mais il navait pas
battu le record (2,470 kgs en dix minutes) détenu depuis 1979. Quand on affiche une liste
dexploits propre à donner la nausée à tous ceux qui chipotent à table,
cest difficile à avaler. Tugdual est ainsi le champion du boudin (500 grammes en 42
secondes). Le roi de la tarte aux pommes (1 kg en 1,42 minute). Il a déjà ingurgité sa
hauteur déclairs au café (soit 3 kgs en un peu plus de 7 minutes).
Depuis
dix-neuf ans quil court les estrades des fêtes votives et des foires exposition,
dans les effluves les plus variées il évite seulement les ufs durs, les
escargots et les bananes Tugdual est décidément lhomme à battre. Et hier
à Jouels, ses propres couverts en main, il était venu pour en découdre. Depuis quelques
semaines, il buvait des quantités phénoménales deau, afin de « dilater
lestomac ».
Autant
dire que les autres concurrents, dont lembonpoint fait merveille dans des régions
où lon assimile encore la surcharge pondérale à une forme de prospérité,
risquaient de rester sur leur faim.
Quelques
jeunes gens un peu frêles, sans trop y croire, ont bien voulu sessayer. Un adepte
de rock, venu pour les concerts des jours précédents, a aussi tenté de varier les
plaisirs jusquà ce que son estomac se rebiffe, les morceaux de melon mal mâchés
jonchant ensuite le plancher du car podium autour de lui. Et oui ; se gaver demande
finalement un long apprentissage. Claude Pezet, aveyronnais et ayant donc les faveurs du
public, a fini deuxième comme lannée dernière. Avec 2,740 kgs, quand même, et en
ayant à peine taché sa chemise.
Tugdual,
lui, la emporté avec 3,170 kgs. A peine ballonné. Et prêt à repartir dans
lun des 24 départements quil sillonne avec une belle constance, histoire de
sacrifier, gaillardement, à leurs coutumes gastronomiques. |